En 1755, Rousseau impose le n ologisme 'perfectibilit ' dans le champ du discours philosophique. Pr rogative de l'homme, en tant qu'il est capable de changement et de choix dans l'orientation de ce changement, 'cette facult distinctive et presque illimit e', s'inscrit d'embl e dans le paradoxe d'un d voiement du progr s possible: ne serait-elle pas aussi 'la source de tous les malheurs de l'homme'? M me si les Lumi res et leurs h ritiers ont le plus souvent t ch d'att nuer, voire d'occulter la force de l'hypoth que rousseauiste, la figure de l'homme perfectible s'est toujours trouv e prise dans une h sitation fondamentale entre le d sir d'exaltation d'une promesse historique de progr s et le sentiment souvent aigu de la fragilit de cette promesse.
La p riode r volutionnaire, si elle constitue un tournant capital, en ce qu'elle inscrit la perfectibilit dans le discours neuf de l' mancipation juridique du sujet et en fait ainsi une mission pour le l gislateur, n' chappe pas au doute. De Rousseau au Groupe de Coppet, la fameuse 'facult de se perfectionner' a en effet toujours t le point de fixation d'un dilemme th orique, sinon pratique, ouvrant sur une inqui tude historique quant la toujours possible d liaison des formes diverses de progr s: id e simultan ment euphorique et dysphorique, la perfectibilit , si on la consid re partir des d bats dont elle n'a cess de nourrir la pens e du temps, appara t ainsi moins comme un pr liminaire conceptuel au 'progressisme' du dix-neuvi me si cle que comme une mani re d'en interroger avant l'heure les limites ventuelles.